Stop à la frilosité : la Direction de la sécurité sociale encourage fortement les employeurs à verser la prime MACRON dans son instruction du 15 janvier 2020.
16/02/2020
La prime exceptionnelle de pouvoir d’achat, dite prime « MACRON » ou « PEPA » a été reconduite dans des conditions globalement proches de celles de l’an dernier. En 2020 comme 2019, les employeurs ont la faculté de verser à leurs salariés une prime exceptionnelle de pouvoir d’achat exonérée, dans la limite de 1 000 € par bénéficiaire, de toutes cotisations et contributions sociales, de CSG et de CRDS. Dans cette même limite, la PEPA n’est pas imposable.
Outil très attractif tant pour les entreprises que pour les salariés, l’exonération sociale attachée à la prime Macron 2020 n’est, cependant, acquise que sous certaines conditions strictes, dont une, essentielle et spécifique à cette nouvelle version de la PEPA, tient à l’existence d’un accord d’intéressement à la date du versement de la prime[1].
La prime exceptionnelle de pouvoir d’achats dans sa « version 2019 » avait donné lieu à une instruction interministérielle publiée le 4 janvier ainsi qu’à une instruction complémentaire le 6 février 2019 qui avaient toutes deux précisé, sous forme de questions / réponses pratiques, les modalités de versement et d’exonération de cette prime. Une Instruction ministérielle [INSTRUCTION DSS/5B/2020/11 du 15 janvier 2020] apporte, à son tour, de nombreuses précisions sur les bénéficiaires et les modalités de versement et d’exonération de la PEPA.
Parmi ces nombreuses questions / réponses, deux points méritent à notre sens une attention particulière liés à l’appréciation et aux conséquences de l’exigence de « mettre en œuvre un accord d’intéressement à la date du versement » :
Renouvellement d’un accord d’intéressement : l’engagement de négociations peut exceptionnellement suffire à la date de versement de la prime
- Pour pouvoir verser une PEPA exonérée, l’entreprise doit justifier que ses salariés sont couverts par un accord d’intéressement, déjà en cours ou conclu en 2020, à la date de versement de la prime exceptionnelle. La date limite de versement de la PEPA étant fixée au 30 juin, l’accord d’intéressement – initial ou renouvelé – devra être conclu au plus tard à cette date.
L’instruction confirme [QR 2.3] que pour bénéficier du régime d’exonération, l’accord devra être conclu et devra produire ses effets à la date de versement de la prime. De simples négociations, même très avancées, ne suffisent, en principe, pas ; le dépôt peut, lui, intervenir ultérieurement.
La Direction de la Sécurité sociale admet, toutefois, une exception : « Les entreprises qui sont déjà couvertes par un accord pour la période antérieure à l’année 2020 (exemple pour les exercices 2017 à 2019 inclus), dont l’accord d’intéressement a déjà expiré à la fin de l’année 2019 et qui sont engagées dans des négociations en vue de le renouveler peuvent faire bénéficier leurs salariés de la prime exceptionnelle avant même sa conclusion, sous réserve de conclure et déposer un accord d’intéressement dans les conditions et délais prévus par la loi. »
Cette souplesse permet aux « bons élèves » qui avaient déjà un accord d’intéressement au 31.12.19 de verser la PEPA avant même la conclusion de son renouvellement, à charge toutefois de prouver que les négociations étaient « engagées » à la date de versement.
La formalisation de cet engagement apparaît dès lors indispensable pour lui conférer une date certaine. En outre, la négociation devra nécessairement aboutir à la conclusion d’un accord sous peine de faire perdre le bénéfice des exonérations.
Régimes de faveur de l’intéressement et de la PEPA : deux exonérations liées mais qui demeurent toutefois indépendantes
La Direction de la sécurité sociale vient sécuriser le régime d’exonération pour l’avenir. Même si la question 1.2 réserve la possibilité de verser une PEPA exonérée aux seules entreprises qui auront « valablement conclu un accord d’intéressement et l’auront déposé dans les délais impartis », il est ultérieurement indiqué [QR 2.6] que « La remise en cause a posteriori de l’accord d’intéressement par les autorités compétentes – du fait du non-respect des dispositions légales relatives à l’intéressement – n’aura pas d’impact sur l’exonération de la prime exceptionnelle ».
Cette réponse, très favorable aux entreprises, était loin d’être acquise. En effet, subordonner l’exonération de la PEPA à la mise en œuvre d’un accord d’intéressement semblait lier intrinsèquement les deux régimes d’exonération, la remise en cause du 1er pouvant faire craindre assez logiquement la perte, par ricochet, du second.
On pouvait ainsi légitimement en déduire que toute entreprise qui serait redressée au titre de l’année 2020 pour ne pas avoir respecté les règles de l’intéressement (caractère collectif et aléatoire notamment) s’exposerait également à un redressement au titre de la PEPA versée sur cette même année.
Conditionner l’exonération de la PEPA à l’existence d’un accord d’intéressement valablement conclu et déposé incitait nécessairement à la plus grande vigilance quant au respect des conditions propres au mécanisme d’intéressement. Lire sur ce point : https://parthema.fr/versement-de-la-prime-macron-2020-rien-ne-sert-de-courir-il-faut-partir-a-point/
Il ressort de l’instruction précitée du 15 janvier que la Direction de la Sécurité Sociale semble disposée à garantir une certaine bienveillance aux entreprises en cas de contrôle pour leur permettre de conserver le bénéfice de l’exonération de cotisations sociales attachée à la prime MACRON alors même que celle liée à l’intéressement serait, elle, remise en cause par l’Urssaf.
Pour achever de convaincre les employeurs, il sera relevé en toute fin d’instruction [QR 7.1] que si les principes sont rappelés, savoir « Le bénéfice de l’exonération est conditionné pour l’employeur au respect de l’ensemble des conditions d’attribution. En cas d’absence d’accord d’intéressement l’ensemble des primes attribuées seront réintégrées dans l’assiette des cotisations et contributions et assujetties à l’impôt sur le revenu », il est prévu de privilégier des régularisations par les employeurs à chaque fois que possible [« Toutefois, dès lors que la condition de mis en œuvre d’un accord d’intéressement est remplie et afin d’éviter la remise en cause de l’ensemble de l’exonération, en cas de contrôle ultérieur donnant lieu au constat de l’absence de respect de l’une ou de plusieurs de ces conditions, les employeurs seront invités dans un premier temps à régulariser cette situation »] et, à défaut, de moduler les assiettes de redressements « à proportion des seules erreurs commises ».
En matière de contrôle Urssaf, prudence est mère de sûreté
Cette position, très souple appelle à notre sens quelques réserves.
En premier lieu, pour être pleinement opposable à l’URSSAF, il convient que cette Instruction soit régulièrement publiée dans les conditions de l’article L.243-6-2 et ce, avant le 15 mai 2020. Si tel est le cas, elle pourra être valablement opposée en réponse à un relevé d’observations d’un agent contrôleur qui voudrait redresser les sommes allouées au titre de l’intéressement et, incidemment, celles résultant de la PEPA.
En second lieu, on peut également réserver le cas de la fraude qui, selon les principes généraux du droit, « corrompt tout » : il serait dangereux de croire à la lecture de cette instruction qu’un employeur pourrait pour bénéficier de l’exonération de la PEPA conclure sciemment un accord d’intéressement sans avoir l’intention de le respecter par la suite.
Dans tous les cas, il sera souligné que la PEPA et l’intéressement ont en commun de ne pouvoir se substituer à aucun autre élément de rémunération, tout manquement sur ce point étant susceptible à notre sens d’exposer la société à un redressement sur les deux terrains.
Point de tolérance annoncée pour l’intéressement
Il sera aussi observé que seule la PEPA a les faveurs de la DSS : pour ouvrir droit à exonérations, l’employeur doit respecter strictement le régime de l’intéressement, aucune tolérance n’étant prévue (sans préjudice du mécanisme de sécurisation dont les effets ont été étendus par la loi PACTE).
L’entreprise qui ne respecte pas strictement les conditions d’application de l’accord d’intéressement s’expose toujours à un redressement, la tolérance ainsi annoncée de l’Urssaf se limitant à la PEPA.
Ainsi, il sera relevé [QR 3.9] que « L’accord d’intéressement doit être appliqué tel qu’il a été rédigé, conclu et déposé. Si l’accord d’intéressement ne prévoit pas initialement la neutralisation du versement de la prime exceptionnelle, l’employeur ne peut ajouter unilatéralement cet élément de neutralisation du résultat opérationnel non prévu dans l’accord d’intéressement. Dans ce cas, l’intéressement serait susceptible d’être requalifié en rémunération de droit commun ».
Conclusion
Globalement, l’impression qui se dégage à la lecture de cette Instruction confirme que le Gouvernement et les Ministères impliqués semblent très favorables au versement de cette prime : tout est mis en œuvre pour sécuriser le régime d’exonération et inciter les entreprises à verser une prime exceptionnelle de pouvoir d’achat.
Extraits questions / réponses issues de l’INSTRUCTION DSS/5B/2020/11 du 15 janvier 2020 relative à l’exonération de primes exceptionnelles prévue par l’article 7 de la loi n° 2019-1446 du 24 décembre 2019 de financement de la sécurité sociale pour 2020:
Jasmine LE DORTZ-PESNEAU et Caroline AUTRET, avocates du Pôle Social PARTHEMA.
[1] Sauf pour les Établissements et services d’aide par le travail (ESAT) d’une part, les associations et fondations mentionnées au a du 1° de l’article 200 et au b du 1 ° de l’article 238 bis du code général des impôts (fondations ou associations reconnues d’utilité publique ainsi que les associations cultuelles ou de bienfaisance, les associations de bienfaisance) d’autre part.
[2] Un parallèle peut être utilement fait avec la NAO, négociation annuelle obligatoire, pour laquelle l’employeur a l’obligation d’engager des négociations mais non pas d’aboutir à la conclusion d’un accord. La 2ème chambre civile de la Cour de cassation a récemment précisé que « l’employeur qui justifie avoir convoqué le seul délégué syndical de l’entreprise, par lettre remise en main propre pour une 1ère réunion a engagé la négociation obligatoire sur les salaires, de sorte qu’il remplit la condition prévue pour la réduction de ses cotisations » (Cass. 2e civ. 7-11-2019 n° 18-21.499 F-PBI, Urssaf de Midi-Pyrénées c/ société Verdie).