Versement de la Prime « MACRON » 2020, rien ne sert de courir, il faut partir à point.

Articles juridiques

La prime exceptionnelle de pouvoir d’achat, dite prime « MACRON » ou « PEPA » introduite en 2019[1] en réponse au contexte « gilets jaunes » a été reconduite pour 2020 dans des conditions globalement proches de celles de l’an dernier. Cette prime avait, en effet, connu un succès important en 2019 avec près de 2 millions de bénéficiaires, soit environ 12% d’entreprises pour une valeur moyenne de 448 € par salarié.

Le gouvernement a renouvelé le dispositif pour le 1er semestre 2020. Il en a profité pour en faire un outil incitatif de mise en place de l’intéressement, mécanisme facultatif d’épargne salarial.

Outil très attractif tant pour les entreprises que pour les salariés, l’exonération sociale attachée à la prime Macron 2020 n’est acquise que sous certaines conditions à respecter strictement. La fixation de date de versement de la PEPA est au cœur de ce dispositif et de ses éventuels « pièges ».

Conclusion de l’accord d’Intéressement, une nécessité préalable

En effet, la nouveauté majeure du « cru 2020 » de la prime MACRON est que l’exonération sociale et fiscale attachée à la PEPA[2] est subordonnée à l’existence d’un accord d’intéressement à la date du versement de la prime[3]. Cet accord peut être déjà en cours ou être conclu en 2020.  La date limite de versement de la PEPA est au 30 juin, ce qui suppose que l’accord soit conclu au plus tard à cette date.

L’article 7 de la loi de financement de sécurité sociale vise « les employeurs mettant en œuvre un accord d’intéressement à la date du versement », ceci supposant que l’employeur puisse justifier que l’accord était conclu préalablement à la date de versement de la PEPA. Un simple engagement des négociations ne suffit pas. A l’inverse, il n’est pas nécessaire d’avoir déjà déposé l’accord d’intéressement sur la plateforme www.teleaccords.travail-emploi.gouv.fr , ce dépôt pouvant intervenir après le versement de la PEPA (dans la limite d’un délai de 15 jours suivant la conclusion de l’accord d’intéressement). Le fait pour une entreprise de moins de 50 salariés d’avoir mis en place un accord de participation volontaire qui est aussi un mécanisme facultatif est indifférent, seul l’intéressement ouvre droit à l’exonération de la PEPA.

Les entreprises qui ont versé une PEPA avant la conclusion de leur accord d’intéressement s’exposent à un risque de redressement ; le risque existe aussi, à notre sens, en cas de versement d’une avance sur prime en anticipant la conclusion de l’accord.

Les employeurs ayant conclu un accord d’intéressement avant le 28 décembre (date d’entrée en vigueur de la loi du 24 décembre 2019 instituant la PEPA) sont éligibles à l’exonération à condition que l’accord couvre bien, au titre de sa période d’application, la date de versement de la PEPA.

Les employeurs ont jusqu’au 30 juin pour verser la PEPA ce qui ne signifie pas qu’ils disposent tous de ce même délai pour conclure ou renouveler un accord d’intéressement. En effet, cette règle doit être articulée avec les autres conditions de droit commun du régime d’intéressement, et notamment avec la règle sur la date limite de conclusion. Dans son instruction ministérielle sur la loi pacte l’administration rappelle qu’un accord d’intéressement peut être conclu à tout moment de l’année, dès lors que la date à laquelle il prend effet ne remet pas en cause le caractère aléatoire du calcul des primes. Il doit pour cela être conclu avant le premier jour de la deuxième moitié de la période de calcul suivant la date de sa prise d’effet pour ouvrir droit aux exonérations fiscales et sociales (C. trav. art. L 3314-4 ; QR 34 / Inst. intermin. 2019-252 du 19-12-2019). Cette règle demeure applicable, le dispositif spécifique attaché à la prime de pouvoir d’achat ne permettant pas d’y déroger. La date limite de conclusion de l’intéressement ne coincide donc pas systématiquement avec celle de versement possible de la prime Macron.

Exemples :

  • si l’entreprise a un exercice social calé sur l’année civile, la date limite de conclusion de l’accord d’intéressement est au 30 juin, le versement de la PEPA pouvant alors intervenir ce même jour à condition de pouvoir établir de manière certaine la date de conclusion de l’accord ;
  • si l’entreprise a un exercice social du 1er octobre au 30 septembre, la date limite de conclusion est, en revanche, au 31 mars 2020, la PEPA pouvant, elle, être versée jusqu’au 30 juin.

A noter que par dérogation à l’article L. 3312-5 du Code du travail, les accords d’intéressement conclus entre le 1er janvier 2020 et le 30 juin 2020 pourront avoir une durée comprise entre 1 et 3 ans (Loi art. 7, I-B). Cette exception n’est pas réservée aux seules entreprises versant une PEPA. Quelle que soit la durée d’application de l’accord d’intéressement, celui-ci devra respecter les principes généraux : caractère collectif et aléatoire et principe de non-substitution à un autre élément de rémunération, avec une vigilance particulière sur l’aléa, qui peut être plus délicat à caractériser sur une durée courte d’application.

L’indispensable vérification des obligations en matière de CSE

En outre, il convient de conserver à l’esprit que le dispositif d’intéressement est ouvert à « toute entreprise qui satisfait aux obligations incombant à l’employeur en matière de représentation du personnel » (art. L. 3312-2 du code du travail).  De plus, en cas de mise en place de la PEPA par décision unilatérale, l’employeur doit informer[4] le CSE avant le versement de la prime Macron (article 7, II, 4°).

Sauf à ce que l’employeur puisse justifier d’un procès-verbal de carence[5], il s’expose – entre autres risques de contentieux et d’irrégularités – à un possible redressement Urssaf au titre des sommes allouées dans le cadre d’un intéressement conclu à une date où il n’était pas à jour de ses obligations en matière d’IRP, et, par un effet « domino » à une réintégration possible de la PEPA.

Par suite, il est fortement recommandé aux entreprises qui n’ont pas organisé d’élections de CSE dans les temps de le faire sans délai et avant la conclusion de l’intéressement et a fortiori avant le versement d’une PEPA. En effet, depuis le 1er janvier 2020, les anciennes instances représentatives du personnel (DP, CE, DUP, CHSCT…) ont disparu.

Les autres enjeux liés à la date de versement

Enfin, la prime MACRON 2020 contient quelques autres différences par rapport à celle de 2019.

Il sera notamment relevé que la détermination des salariés éligibles au dispositif s’apprécie à la date du versement de la prime et non plus au 31 décembre : la prime peut être attribuée à l’ensemble des salariés liés à l’entreprise par un contrat de travail (CDI ou CDD) à la date de son versement et aux intérimaires mis à disposition de l’entreprise utilisatrice ou bien être réservée à ceux dont la rémunération est inférieure à un plafond.

En tout état de cause, l’exonération fiscale et sociale est réservée aux primes versées aux salariés ayant perçu au cours des 12 mois précédant le versement une rémunération inférieure à 3 fois la valeur annuelle du Smic.

La « to-do list » avant de verser la PEPA

En conclusion, l’employeur sera bien avisé de vérifier avant de procéder au versement de la PEPA qu’il est en mesure de justifier :

  • Qu’il est à jour de ses obligations en matière de CSE,
  • Qu’il est dans les délais pour conclure un accord d’intéressement,
  • Que cet accord a été conclu avant le versement de la PEPA
  • Que l’accord d’intéressement respecte l’ensemble des conditions légales des articles L. 3312-1 à L. 3312-5 du code du travail,
  • Que ni l’intéressement ni la PEPA ne vient se substituer à un élément de rémunération,
  • Et que, s’il alloue cette PEPA par décision unilatérale, qu’il a bien informé le CSE avant le versement,
  • Et qu’il a bien déterminé la liste des bénéficiaires en vérifiant les conditions requises à la date du versement.

Le renouvellement de la PEPA a été annoncé dès octobre 2019, créant ainsi une certaine attente de la part des salariés. Même s’il peut être tentant pour les employeurs de procéder à un versement rapide, il semble prudent de prendre le temps de bien vérifier le respect de toutes ses conditions pour ne pas s’exposer à un risque de redressement URSSAF.

[1] Pour répondre à la contestation « gilets jaunes » démarrée fin 2018 contre la baisse du pouvoir d’achat, la loi 2018-1213 du 24 décembre 2018 portant mesures d’urgence économiques et sociales (loi MUES) a permis aux entreprises de verser exceptionnellement une prime non imposable et non soumise à cotisations et contributions sociales, dans certaines limites (montant maximal de 1000 € pour une rémunération maximale inférieure à 3 Smic) et sous réserve du respect de certaines conditions précisées par deux instructions interministérielles (instr. intermin., DSS/5B/5D/2019/2, 4 janv. 2019 et DSS/5B/2019/29, 6 févr. 2019).

[2] Les entreprises peuvent sous certaines conditions verser à leurs salariés une prime exceptionnelle de pouvoir d’achat exonérée, dans la limite de 1000 € par bénéficiaire (Loi art. 7, V) :

–  d’impôt sur le revenu ;

–  de toutes les cotisations et contributions sociales (patronales comme salariales) d’origine légale ou conventionnelle : cotisations sociales, CSG/CRDS, Agirc-Arrco, assurance chômage, etc. ;

–  de la participation-construction et de l’ensemble des contributions dues au titre de la formation professionnelle.

[3] A l’exception des associations et fondations à but non lucratif et reconnues d’utilité publique qui poursuivent un but d’intérêt général et qui sont autorisées à recevoir des dons ouvrant droit à réduction d’impôt (Loi art. 7, I-F).

[4] Il sera bien relevé que c’est une simple information, et non pas une obligation de consulter le CSE.

[5] pour les entreprises qui disposaient d’un PV de carence avant la publication des ordonnances, celui-ci continue de produire ses effets pour la durée des mandats à l’élection à laquelle il se rapporte, explique le Ministère du travail dans ses Questions-réponses (QR11) sur le CSE. En conséquence, si les mandats étaient de 4 ans, le PV de carence reste valable jusqu’à son échéance, et donc même au-delà du 31 décembre 2019. Toutefois, attention, les dispositions de droit commun s’appliquent lorsqu’une organisation syndicale ou un salarié de l’entreprise le demande : l’employeur doit, dans le mois qui suit la demande, engager la procédure électorale.