De récentes évolutions législatives et jurisprudentielles conduisent à s’interroger sur l’intérêt de la faute lourde.
Une intention de nuire très difficile à prouver
La faute lourde est celle commise par un salarié avec l’intention de nuire à l’employeur ou à l’entreprise.
En l’absence de définition légale, la jurisprudence a été amenée à préciser les critères requis pour caractériser ce motif de rupture réservé aux fautes d’une exceptionnelle gravité.
La charge de la preuve de la gravité de la faute et de l’intention de nuire repose sur l’employeur; elle est appréciée de manière restrictive par les Juges qui admettent rarement une telle qualification. Ainsi, l’intention de nuire à l’employeur ou à l’entreprise ne saurait être déduite de la seule gravité des faits ou du préjudice qui en est résulté pour l’employeur ; de même, le fait que le salarié ait été reconnu coupable d’un délit intentionnel et notamment du délit de vol devant la juridiction répressive n’implique pas, par lui-même, l’intention de nuire justifiant le licenciement pour faute lourde.
Des effets partiellement alignés sur ceux de la faute grave
La faute lourde entraîne la cessation immédiate de la relation et prive le salarié de toute indemnité de rupture et de préavis. En cela, elle produit les mêmes effets que le licenciement pour faute grave.
Depuis mars 2016, la faute lourde ne prive plus le salarié de l’indemnité compensatrice de congés payés, comme cela était le cas auparavant et ce qui la distinguait principalement des effets de la faute grave*. La Loi n°2016-1088 du 8 août 2016, dite Loi Travail a prévu (art., 8 (V) précise que l’indemnité compensatrice de congés payés « est due que cette rupture résulte du fait du salarié ou du fait de l’employeur ». (C. trav., art. L 3141-28 nouveau). Le Législateur a tiré les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel du 2 mars 2016 selon laquelle la différence de traitement qu’opérait le législateur entre les salariés dont les employeurs devaient adhérer à une caisse de congés payés et les autres était injustifiée et méconnaissait le principe d’égalité devant la loi (Cons. const., déc., 2 mars 2016, n° 2015-523 QPC : JO, 4 mars).*
Désormais, la seule conséquence pratique en cas de faute lourde pour un employeur est de ne pas avoir à organiser – notamment par la mention obligatoire sur le certificat de travail – ni à financer la portabilité des garanties collectives de prévoyance et santé. En effet, les salariés garantis collectivement en matière de remboursement de frais de santé et de maternité et contre les risques décès, incapacité de travail et invalidité bénéficient du maintien temporaire de leur couverture en cas de cessation du contrat de travail, non consécutive à une faute lourde ouvrant droit à prise en charge par le régime d’assurance chômage.
Rappelons, par ailleurs, que la qualification de faute lourde est également sans incidence sur :
- l’ouverture des droits à allocations de chômage : en vertu ont notamment droit aux allocations de chômage les salariés involontairement privés d’emploi dont la cessation du contrat résulte d’un licenciement même pour faute grave ou lourde (Règlement Unédic art. 2 et 4 e) ; Accord d’application n° 14).
- le bénéfice du CPF, compte personnel de formation : pour mémoire, le salarié licencié perdait le bénéfice de la portabilité du DIF en cas de faute lourde ; il n’existe pas de mécanisme similaire de perte de droits dans le cadre du CPF qui s’est substitué au DIF depuis le 1er janvier 2015.
- au bénéfice des droits à participation et intéressement (Cass. soc., 12 octobre 1995,)
- au versement de la contrepartie à la clause de non-concurrence : « la contrepartie financière de la clause de non-concurrence étant une condition de sa validité, le bénéfice de cette indemnité ne peut pas être subordonné à l’absence de faute grave ou lourde ». (Cass. soc., 10 décembre 2008).
Une qualification qui demeure pertinente dans certaines situations
Enfin, on aura à l’esprit que la faute lourde reste également indispensable pour pouvoir licencier un salarié au cours d’une grève (C. trav., art. L. 2511-1). A défaut, la rupture est nulle de plein droit.
Jasmine LE DORTZ-PESNEAU et Sébastien MIARA
Avocats associés SOCIAL PARTHEMA
* sauf si cette indemnité était versée à une caisse de congés payés.