Réflexions sur le Décret « JADE »
Le Décret n° 2016-1480 du 2 novembre 2016 portant modification du code de justice administrative dit « Justice administrative de Demain (JADE) » est entré en vigueur le 1er janvier 2017.
Le Conseil d’Etat a résumé en quatre points les apports de celui-ci :
« Accélérer le traitement de certaines requêtes »,
« Renforcer les conditions d’accès au juge »
« Dynamiser l’instruction »
« Améliorer l’organisation et le fonctionnement de la juridiction administrative ».
Ces quatre axes prometteurs modifient cependant, en profondeur, la procédure administrative. Ils semblent contribuer en premier lieu, à élargir à l’ensemble du contentieux administratif, des spécificités réservées, jusqu’ici, à certaines de ses branches et en deuxième lieu, à accentuer les particularités de celle-ci. En troisième et dernier lieu, il conviendra de mettre en évidence les nouveaux de figure dans lesquels un désistement d’office devient possible.
- En premier lieu, s’appliqueront désormais à l’ensemble du contentieux administratifs des mécanismes propres à certaines de ses branches. Ainsi, les requêtes d’appel manifestement dépourvues de fondement pourront faire l’objet d’une simple ordonnance de tri. Cette possibilité était, auparavant, réservée au contentieux relatif aux obligations de quitter le territoire français.
Le contentieux de l’urbanisme offrait la possibilité de saisir le juge d’une demande motivée afin que celui-ci fixe une date au-delà de laquelle des moyens nouveaux ne peuvent plus être invoqués. Le Code de justice administrative permet désormais au Président de la chambre chargée de l’instruction de fixer d’office, par ordonnance, la date à compter de laquelle les parties ne peuvent plus invoquer de moyens nouveaux.
Les litiges de travaux publics et d’occupation contractuelle du domaine public, ainsi que les appels en matière de fonction publique étaient dispensés du Ministère d’avocat. Il est mis fin à cette exception, la représentation par un avocat est désormais obligatoire dans les matières susvisées.
Est rehaussé le montant de l’amende pour recours abusif puisqu’il est porté à 10 000 euros. Pour autant, l’augmentation du montant de l’amende va-t-elle engendrer une application plus systématique de cette amende ? Il convient d’en douter. Le juge administratif est soucieux de préserver le droit au recours et inflige donc rarement une amende pour recours abusif. En revanche, le fait d’avoir porté à 10 000 euros le montant de celle-ci dissuadera, sans doute, davantage des requérants tentés par des recours purement dilatoires.
- En deuxième lieu, ce nouveau décret accentue le caractère singulier de la procédure administrative. La nécessité de « lier le contentieux » remonte à l’arrêt Cadot rendu par le Conseil d’Etat le 13 décembre 1889. En vertu de ce principe, la juridiction administrative est nécessairement saisie d’un recours formé contre une décision. L’obligation de liaison du contentieux par décision préalable est élargie aux litiges de travaux publics et est renforcée pour les demandes tendant au paiement d’une somme d’argent.
Est ainsi supprimée la possibilité offerte au requérant, postérieurement à l’introduction de son recours juridictionnel et avant que le juge de première instance ne statue, de former une demande auprès de l’administration sur laquelle le silence gardé par celle-ci a fait naître une décision implicite de rejet liant le contentieux.
Au surplus, une décision implicite de rejet peut désormais faire courir le délai de recours en matière de plein contentieux.
- En troisième lieu, d’autres nouveautés méritent également d’être soulignées, car elles sont susceptibles d’avoir un fort impact sur le déroulement de l’instance.
Un désistement d’office peut être prononcé si la production d’un mémoire récapitulatif n’intervient pas dans un délai donné.
Par ailleurs, lorsque l’état du dossier permet de s’interroger sur l’intérêt que la requête conserve pour son auteur, celui-ci pourra être invité à en conserver le maintien, sous peine de désistement d’office en l’absence de réponse donnée dans un délai fixé.
Yohan VIAUD, Avocat Associé et Caroline BARDOUL Avocat