Le contexte sanitaire
Un certain nombre de textes sont venues préciser le sort des périodes d’activité partielle en 2020 et 2021 à l’égard des cotisations et garanties de protection sociale complémentaire, précisément en matière de prévoyance collective des salariés.
Dans la ligne de ce qu’on pourrait espérer être une période de sortie de crise sanitaire (loi du 31 mai 2021, annonces gouvernementales levant la plupart des restrictions sanitaires au 30 juin 2021), le régime d’activité partielle qui a largement coexisté en 2020 avec le fonctionnement des entreprises et Associations, voire qui a constitué un nouveau mode alternatif ou complémentaire d’organisation pour certaines d’entre elles, a progressivement décliné en 2021 pour devenir une variable d’ajustement ; il conserve encore tout son intérêt dans certains secteurs d’activité limités (discothèques jusqu’au 9 juillet…, grands rassemblements, etc.).
Mais, l’incertitude autour de la progression du variant Delta alimente les craintes françaises d’une reprise de l’épidémie, dont il est impossible de prévoir les effets à court ou moyen terme sur le niveau d’activités des entreprises.
Sans attendre de nouvelles difficultés, voire un nouveau « confinement », un certain nombre d’entreprises ont d’ores et déjà prévu de maintenir un certain niveau d’activité partielle « au longs cours », dans le cadre du régime de l’activité partielle de longue durée, ou APLD, pouvant être mis en place sur une période de 12 à 24 mois (créé par la loi n° 2020-734 du 17 juin 2020, pour se substituer progressivement à l’ancien dispositif).
Il est donc très vraisemblable, sinon certain, que l’activité partielle, quelle qu’en soit sa forme, ne disparaitra pas de sitôt des écrans radars des entreprises.
Dès lors, il est important de s’assurer que les droits des salariés, placés en activité partielle, ont été et seront bien respectés. Or, les contrats d’assurance de groupe peuvent être demeurés silencieux sur le sujet, ce qui peut mettre l’employeur en difficulté face au traitement des cotisations pendant l’activité partielle. Faut-il réduire les cotisations à proportion du temps d’absence ? Au contraire, faut-il maintenir les cotisations ?
Les cotisations induiront les prestations … il ne faut donc pas que l’employeur sous-évalue les droits du salarié au risque de devoir se substituer à l’assureur et apporter un complément d’indemnisation au salarié.
Enfin, l’URSSAF surveillera la bonne gestion du régime de faveur (exonérations sociales attachées au versement des contributions par l’employeur), et n’hésitera pas à le redresser si les textes n’ont pas été parfaitement respectés.
Ces enjeux justifient un examen plus attentif des règles applicables
Prise en compte de l’activité partielle dans le fonctionnement des régimes de prévoyance
Par une récente instruction du 17 juin 2021, la direction de la Sécurité Sociale a souhaité rappeler les principes fondamentaux de la protection sociale complémentaire des salariés, qui se veut collective et obligatoire.
Elle complète en ce sens les dispositions adoptées par l’article 12 de la loi n°2020-734 du 17 juin 2020 relative à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, complétée par une instruction DSS du 16 novembre 2020.
Règle n°1 : les garanties devaient et devront être maintenues
-Tout d’abord, pour l’année 2020 et 1er semestre 2021, une loi n°2020-734 du 17 juin 2020, complétée par une instruction DSS du 16 novembre 2020, ont institué le principe selon lequel les garanties de protection sociale de prévoyance (décès, incapacité de travail, maternité, invalidité, inaptitude, ainsi que le risque de chômage, et l’indemnisation du départ en retraite et les garanties de fin de carrière) doivent être maintenues, nonobstant la suspension du contrat de travail pour cause d’activité partielle. Ces textes ont posé la règle sous l’angle URSSAF en prévoyant que le non-respect des garanties remettrait en cause le caractère collectif et obligatoire du régime en cause (comprendre l’exonération de la contribution de l’employeur des cotisations sociales). Dans cet esprit, les stipulations contraires du contrat d’assurance et/ou de l’acte fondateur du dispositif (DUE, ou accord collectif) sont réputées non écrites.
-à compter du 1er juillet 2021, en l’absence d’un texte législatif applicable à compter de cette date, la nouvelle instruction DSS 127 du 17 juin 2021 prolonge l’application de la règle de maintien, sans limite dans le temps.
Règle n°2 : les modalités de calcul de l’assiette des cotisations et des prestations sont encadrées
La DSS autorise plusieurs situations possibles :
Hyp. 1 : le contrat d’assurance prévoir un calcul forfaitaire (ex. un pourcentage du PMSS) ; dans ce cas, l’assiette est inchangée, malgré l’absence en activité partielle (cette situation se rencontre fréquemment dans les contrats de prise en charge des frais de santé)
Hyp. 2 : le contrat prévoit un calcul assis sur la rémunération soumises aux cotisations sociales ; l’assiette pourra être constituée, soit par l’indemnité d’AP versée au salarié (comprenant le complément employeur), soit, à titre plus favorable, par une reconstitution de la rémunération sur la base du montant moyen des rémunérations des 12 mois précédant l’AP ; il n’est pas obligatoire de réviser l’acte fondateur pour déterminer le mode de calcul de l’assiette.
Mais toute autre modalité de calcul doit avoir été préalablement prévue par l’acte fondateur du régime, faute de quoi les contributions employeurs perdent le bénéfice de l’exonération sociale (et fiscale).
Règle n°3 : la répartition des cotisations peut être révisée en faveur du salarié placé en AP
L’acte fondateur détermine la répartition des cotisations entre employeur et salarié.
L’employeur peut décider de prendre en charge tout ou partie de la cotisation salariale du salarié placé en AP, sans risque de remise en cause du régime de faveur.
Là également, pas d’obligation de modifier l’acte fondateur (du moins jusqu’au 30 juin 2021).
Règle n°4 : les règles de forme (qui conditionnent l’accès au régime de faveur) diffèrent selon la période concernée
-Pour 2020 et 2021 : les garanties doivent être maintenues aux salariés placés en AP dans les conditions énoncées plus haut, sans qu’il soit nécessaire de corriger le contenu de l’acte fondateur (DUE ou accord collectif).
-à partir du 1er janvier 2022 : outre le maintien des garanties, le contrat d’assurance devra être mis à jour pour être conforme aux règles énoncées plus haut (délai reporté au 30 juin dans certains cas limitatifs), et la DUE d’entreprise devra être mise à jour également au plus tard le 30 juin 2022 (dans le cas d’un accord d’entreprise, l’instruction accorde un délai expirant le 31 décembre 2024).
Ce qu’il faut retenir :
-vérifier que les salariés placés en AP ont bénéficié d’un maintien de leurs garanties (règle n°1) selon l’une des options autorisées par la DSS (règle n°2) ;
-si vous constatez qu’il reste dû un solde de cotisations, ne tardez pas à les régulariser auprès de l’assureur (afin de dégager votre responsabilité) ;
-si vous prenez en charge tout ou partie des cotisations en cas d’AP, veiller à modifier l’acte fondateur à partir du 1er juillet 2021 (règle n°3) ;
-interroger l’assureur pour la mise en conformité de son contrat d’ici fin 2021 (règle n°4).
Antoine GONTIER, avocat associé | Pôle Social PARTHEMA.
Le 7 juillet 2021.