L’ancienne définition légale restreignant l’astreinte à la situation du salarié « tenu de demeurer au domicile ou à proximité » n’était plus adaptée au regard des moyens nomades de communication.
Classiquement, la notion d’astreinte renvoie à l’image du salarié tenu de rester chez lui ou dans une zone géographique délimitée pour se déplacer à l’entreprise ou chez le client afin de réaliser dans un certain délai une intervention d’urgence.
La notion d’astreinte correspond à des périodes en dehors du temps de travail, généralement la nuit, le week-end ou durant les jours fériés chômés, pendant lesquelles un salarié, qui n’exerce aucune activité effective pour son employeur, n’est pas totalement libre de ses mouvements : il doit pouvoir être joint à tout moment par son employeur – ou directement par un client bénéficiaire de ce service – afin d’être en mesure d’effectuer les interventions requises. Sa liberté est donc partiellement restreinte, sans toutefois être à la disposition permanente de son employeur. Le temps d’astreinte suppose une contrepartie, financière ou sous forme de repos, et se distingue d’une part de la permanence dans les locaux et d’autre part, de l’intervention proprement dite*.
La frontière entre temps d’astreinte et temps d’intervention était devenue floue, notamment par la mise à disposition d’équipements de travail et / ou l’usage de BYOD** favorisant le nomadisme des salariés et leur ouvrant la possibilité d’être joignables, d’accéder aux données et de réaliser des interventions à distance, depuis tous lieux, sans déplacement.
A cet égard, la Cour de cassation a déjà admis qu’un salarié est en astreinte dès lors qu’il est tenu de pouvoir être joint par téléphone en vue de répondre à un appel de l’employeur pour effectuer un travail urgent au service de l’entreprise (Cass. soc. 2 mars 2016; Cass. soc. 16 mars 2016).
L’article 8 de la loi Travail a modernisé cette définition pour l’adapter aux nouveaux modes de communication et de travail .(C. trav. art. L 3121-9 nouveau).
Désormais, le salarié n’a plus à demeurer à son domicile ou à proximité mais doit seulement ne pas se trouver sur son lieu de travail : la période d’astreinte s’entend comme « une période pendant laquelle le salarié, sans être sur son lieu de travail et sans être à la disposition permanente et immédiate de l’employeur, doit être en mesure d’intervenir pour accomplir un travail au service de l’entreprise ». (C. trav. art. L 3121-9 précité).
De nombreux salariés équipés par leur entreprise d’outils professionnels se trouvent, de fait, connectés et joignables en dehors de leur temps de travail, et à même d’intervenir en cas de besoin. Faut-il en déduire que tous ces salariés connectés pourront, demain, être considérés en situation d’astreinte ?
La Chambre sociale a répondu par la négative : se trouve en situation d’astreinte le salarié soumis de répondre à des appels téléphoniques – mails ou autres – hors temps de travail, quel que soit le lieu où il se trouve, à condition toutefois que cette situation résulte des conditions d’exécution du contrat de travail, telles qu’elles sont prescrites par l’employeur. C’est donc toujours à l’employeur qu’il appartient d’instaurer une astreinte, par accord collectif ou, à défaut, par décision unilatérale. En effet, depuis la Loi Travail, les astreintes continuent d’être mises en place par voie conventionnelle avec, dorénavant, la primauté accordée à la convention ou l’accord d’entreprise ou d’établissement sur celui de la branche, ce dernier devenant supplétif. Il n’est plus nécessaire que l’accord de branche soit étendu. Ce n’est qu’à défaut d’accord collectif que l’employeur peut avoir recours à une décision unilatérale pour mettre en place des astreintes et leur mode de compensation; cette décision unilatérale suppose l’avis préalable du CE, ou à défaut des DP s’ils existent, et une information préalable de l’inspection du travail.
Les salariés ne peuvent donc imposer, à leur initiative, la mise en place et la rémunération d’une astreinte. C’est ce qu’a affirmé la Cour de cassation dans une décision de septembre dernier : un service d’appel téléphonique mis en place à l’initiative des salariés n’est pas une astreinte (Cass. soc. 8 septembre 2016).
Dans les faits, deux salariés, infirmiers coordinateurs d’un service de soins infirmiers à domicile, avaient mis en place un service permettant aux aides-soignants de pouvoir les joindre par téléphone en dehors de leurs heures de travail pour obtenir un avis ou un conseil, en cas de besoin, lors de leurs interventions. Pour organiser une alternance entre eux, ils avaient établi un planning avec des horaires précis. Un des deux salariés avait pris acte de la rupture de son contrat de travail et saisi la juridiction prud’homale pour demander notamment le paiement de ces astreintes. Il faisait valoir que des astreintes devaient être mises en place eu égard à sa fonction, ses horaires de travail et ceux des aides-soignants, même en l’absence de stipulation expresse de son contrat de travail ; en outre, il arguait de l’accord implicite de l’employeur à l’accomplissement des astreintes dans la mesure où ce dernier était au courant mais n’avait pas protesté. Il n’a pas obtenu gain de cause, la Cour prenant soin de préciser que la seule connaissance par l’employeur d’une situation créée de fait par les salariés ne saurait transformer cette situation en astreinte.
Cette décision amène à s’interroger sur la façon dont serait analysée dans laquelle une entreprise proposerait des services d’assistance, hotline ou autre, et encouragerait, voire imposerait à ses salariés de répondre en dehors des horaires de travail sans avoir instauré d’astreintes. Dans un tel cas, le Juge serait probablement amené à considérer qu’il n’y a pas seulement connaissance d’une situation de fait mais bien accord implicite de l’employeur.