Les salariés qui se voient attribuer la qualité de cadre dirigeant échappent à un pan important de la législation sur la durée du travail (heures supplémentaires, durées maximales quotidienne et hebdomadaire, repos dominical, etc.).
Ce statut est relativement attractif pour les entreprises, surtout dans un contexte d’insécurité en matière de conventions de Forfaits Jours.
Ce statut exorbitant du droit commun est cependant strictement encadré en raison notamment de l’évolution législative et jurisprudentielle en faveur du droit à la santé au travail, du droit au repos, et du futur droit à la déconnexion (à compter du 1er janvier 2017).
La qualité de cadre dirigeant, définie par le Code du travail*, a fait l’objet d’une interprétation stricte par la Chambre sociale de la Cour de Cassation qui a précisé sa jurisprudence par un arrêt récent.
En 2012, la Cour de cassation avait posé le principe selon lequel ces trois critères cumulatifs
« impliquent que seuls relèvent de la catégorie des cadres dirigeants au sens de ce texte les cadres participant à la direction de l’entreprise ». (
Cass. soc. 31 janvier 2012), En conséquence, pour appliquer valablement un tel statut, il convient de justifier, d’une part, que les trois critères sont réunis et, d’autre part, qu’il en découle que le salarié participe
effectivement à la direction de l’entreprise.
(Cass. soc. 26 novembre 2013).
Par un arrêt du 22 juin dernier, la Chambre sociale affine sa position par une formule inédite : « si les trois critères fixés par l’article L. 3111-2 du Code du travail impliquent que seuls relèvent de la catégorie des cadres dirigeants les cadres participant à la direction de l’entreprise, il n’en résulte pas que la
participation à la direction de l’entreprise constitue un critère autonome et distinct se substituant aux trois critères légaux ». (
Cass. soc. 22 juin 2016).
Sans constituer un critère autonome distinct et suffisant, ni un 4ème critère supplémentaire, la participation à la Direction est « une condition induite par la notion même de cadre dirigeant »**. Par suite, l’employeur ne pourra sécuriser un statut de cadre dirigeant que s’il établit, en premier lieu, la réunion cumulative des 3 critères légaux et, en second lieu, une participation effective à la direction de l’entreprise. De leur côté, les salariés ne pourront remettre en cause ce statut – le plus souvent pour réclamer des heures supplémentaires… – que s’ils parviennent à contester ces deux conditions. La charge de la preuve se fait donc en deux temps.
En aucun cas le statut de cadre dirigeant ne peut être retenu comme le mode normal et généralisé d’organisation du travail de toute la population d’encadrement d’une entreprise : il doit être réservé aux seuls cadres « se situant dans le premier cercle concentrique du pouvoir entourant le chef d’entreprise »***.
L’option pour ce statut suppose donc en amont une appréciation restrictive et concrète, et cette appréciation doit, à notre sens, être renouvelée tout au long de la vie du contrat de travail, l’un ou l’autre des critères pouvant venir à manquer en fonction notamment de l’évolution de l’organisation ou de la gouvernance de l’entreprise. On ne saurait trop recommander d’avoir une vigilance toute particulière lors de la rédaction des contrats de travail des cadres dirigeants et de faire analyser périodiquement les situations individuelles de tous les cadres dirigeants pour s’en assurer.
* Selon l’article L. 3111-2 du Code du travail, sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant les cadres :
– auxquels sont confiées des responsabilités dont l’importance implique une grande indépendance dans l’organisation de leur emploi du temps ;
– qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome ;
– et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement.
** extrait du commentaire de la Cour de Cassation dans son rapport annuel de 2012.
*** Rapport AN n°1826 ayant précédé l’adoption de la loi Aubry II du 19.01.00.