Une décision récente (jugement du Tribunal de sécurité sociale de PARIS du 11 décembre 2018) a débouté l’URSSAF du Centre Val de Loire de sa demande portant sur le paiement d’une cotisation subsidiaire Maladie (« CSM »), au motif que l’appel de cotisations était fondé sur des textes juridiques ne portant effet que pour l’avenir. Ce faisant , les juges ont acté de la non rétroactivité de la loi (ici de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2016).
Nous saisissons l’occasion de cette décision, pour rappeler le cadre juridique dans lequel s’exerce le paiement de la cotisation CSM, qui concerne quelques 60.000 personnes en France sans revenus d’activités mais disposant de revenus fonciers et/ou mobiliers plus ou moins importants. Ceux-ci se voient assujettis à une cotisation subsidiaire dite CSM, en contrepartie de leur couverture maladie obligatoire dans le cadre la Protection Universelle Maladie (dite « Puma », ex « CMU »).
L’institution de la CSM
La contribution a été remaniée par la LFSS pour 2016 (loi n°2015-1702 du 21/12/15), modifiant l’article L 380-2 au sein du code de la sécurité sociale, pour faire participer au financement de la Puma, les assurés ne justifiant pas de revenus tirés d’activités professionnelles ni d’un rattachement à l’assurance vieillesse, tout en disposant d’un niveau de revenus du capital relativement important.
Ont suivi un décret d’application du 19/07/16 instituant l’article D 380-2 du même code, ainsi qu’un autre décret du 03/05/17.
En fin d’année 2017, les URSSAF ont adressé les appels de cotisation dus par chaque redevable au titre de leur revenu 2016, ce qui a engendré quelques remous, étant donné l’importance de la cotisation en résultant.
Pour bien comprendre l’enjeu et l’intérêt qu’il y aurait à agir en contestation, il faut revenir sur le mode de calcul de cette cotisation.
Les contours de la règle applicable (jusqu’au 31 /12/18)
Depuis le 1er janvier 2016, la cotisation est due annuellement par toute personne travaillant en France ou y résidant en bénéficiant de la protection maladie, dès lors :
– que ses revenus et ceux de son conjoint tirés d’activités professionnelles exercées en France sont inférieurs à 10 % du PASS (article D. 380-1 du code de la sécurité sociale) ;
– que ni elle ni son conjoint n’ont perçu de revenus sous forme de pension de retraite, de rente ou d’allocation chômage au cours de l’année considérée.
La contribution est assise au taux de 8 % sur le montant des revenus issus du capital ou du patrimoine excédant 25 % du PASS.
Les revenus concernés s’entendent plus précisément des revenus fonciers, des revenus de capitaux mobiliers, des plus-values de cession à titre onéreux, des BIC et BNC exprimé sous la forme du RFR, majoré des moyens d’existence et des éléments de train de vie.
A titre d‘exemple, prenons le cas d’un contribuable, qui n’a perçu en 2016 aucun revenu d’activité professionnelle mais a perçu cette même année un revenu net taxable de 500.000€ au titre d’une cession de titres sociaux ; il lui a été appelé une cotisation subsidiaire maladie de 8% sur la totalité de la somme dépassant 25% du PASS de l’époque, soit : 500.000 – 9654 = 490.346€ x 8% = 39.228€.
La rétroactivité condamnée
Après avoir reçu fin 2017 un appel de cotisation pour l’année 2016, certains redevables en ont contesté le principe, notamment l’un d’eux, dont l’affaire a été (très rapidement) jugée devant le tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de PARIS le 11 décembre 2018.
Dans cette affaire, la thèse du redevable récalcitrant consistait à présenter la cotisation CSM comme issue de textes reposant pour l’essentiel sur les dispositions issues du décret du 3 mai 2017, alors qu’il lui était demandé d’acquitter la cotisation CSM au titre de ses revenus de l’année 2016. Ce faisant, le texte instaurait une rétroactivité interdite par la loi (sauf exceptions non applicables au cas présent).
Les magistrats lui ont donné gain de cause.
La décision du 11 décembre 2018 n’a pas pu faire l’objet d’un appel, en raison de la faiblesse du montant en jeu (moins de 4.000 euros).
Sous réserve de la pertinence des attendus de cette décision, et des décisions judiciaires ultérieures, le jugement du TASS de PARIS pourrait faire réfléchir d’autres redevables, qui, s’ils n’ont pas immédiatement contesté la cotisation à l’époque, pourraient donc être tentés de le faire après-coup au motif de l’illégalité de cette cotisation (au moins pour l’année 2016, selon l’instance parisienne). En effet, un assuré social peut demander le remboursement d’une cotisation qu’il estime avoir versée à tort, dans un délai de 3 ans.
Antoine GONTIER, avocat associé, Pôle Social PARTHEMA.
Publié le 13/05/19