L’assouplissement, relatif, des dispositions encadrant le recours aux CDD et aux contrats de travail intérimaire.
Dans la lignée de la loi d’habilitation, l’ordonnance « MACRON » n°2017-1387 du 22 septembre 2017 relative à « la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail » ouvre à la négociation collective trois domaines du régime juridique des CDD et des contrats de travail intérimaire.
1. Ce qui change
L’ordonnance introduit la possibilité, par accord de branche étendu, de :
- déterminer la durée maximale du contrat de travail à durée déterminée ou du contrat de travail temporaire, renouvellements inclus, et de la porter, le cas échéant, au-delà de la durée légale de 18 mois ;
- fixer un nombre maximal de renouvellements du CDD ou du contrat de travail temporaire, pouvant être supérieur à deux ;
- définir les cas dans lesquels le délai carence obligatoire entre deux contrats précaires (CDD ou contrat de travail temporaire) ne s’appliquera pas et de fixer les modalités de calcul dudit délai de carence;
- limiter – uniquement pour les CDD – le montant de l’indemnité de précarité à 6% moyennant des contreparties, à définir dans l’accord de branche étendu, en termes de formation professionnelle (accès privilégié à la formation pro notamment);
- fixer un taux d’indemnité de précarité à un montant supérieur à 10% pour les CDD et/ou pour les contrats de travail temporaires.
Limite : ni la durée totale du contrat, ni le nombre de renouvellements, ne doivent avoir pour objet ou pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.
En outre, l’ordonnance introduit les aménagements suivants :
- La transmission du contrat de travail écrit au-delà des deux jours ouvrables suivant l’embauche n’entrainera plus la requalification du contrat de travail à durée indéterminée mais constituera une simple irrégularité de procédure sanctionnée par une indemnité maximale d’un mois ;
- Le délai de prescription de l’action en contestation de la rupture du contrat est ramené de 24 à 12 mois ; le nouveau délai de prescription de droit commun de 12 mois est également applicable en cas d’action en paiement de l’indemnité spéciale de requalification du CDD ou du contrat de travail en contrat de travail à durée indéterminée ;
Enfin, il sera relevé que la compétence des délégués du personnel et du comité d’entreprise en matière d’informations et de consultations sur le recours aux contrats précaires échoit désormais au Comité Social et Economique (CSE). En attendant que les décrets d’application relatifs au CSE ne paraissent et que les entreprises aient organisé les élections pour sa mise en place, les institutions représentatives du personnel – CE, DP, DUP – demeurent compétentes.
2. La date d’effet
Ces nouvelles dispositions s’appliquent aux CDD et aux contrats de travail temporaires conclus postérieurement à la publication de l’ordonnance au journal officiel du 23 septembre 2017.
Une précision de taille est à relever : les aménagements du régime juridique des CDD et des contrats de travail intérimaire relatifs à la durée maximale, au nombre de renouvellements et au délai de carence, sont subordonnés à l’existence d’une convention ou d’un accord de branche étendu.
Par suite, les employeurs devront attendre, dans ces trois domaines, la conclusion puis l’extension par arrêté ministériel publié au Journal officiel, d’un avenant modifiant leur convention collective, ou la conclusion et l’extension d’un nouvel accord au sein leur branche professionnelle.
3. Les questions pratiques en suspens
On peut s’interroger sur l’articulation que feront les juridictions entre le principe selon lequel ni la durée totale du contrat, ni le nombre de renouvellements, ne doivent avoir pour objet ou pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise, et les nouvelles dérogations conventionnelles décrites ci-dessus.
A partir de quelle durée ou de combien de renouvellements pourra-t-on considérer que l’emploi pourvu est un emploi permanent ? Est-ce la préfiguration d’une future limitation par le juge de la liberté des parties à la convention ou à l’accord de branche ?
Ces dérogations conventionnelles (durée totale des CDD, renouvellement, carence…) étant limitées à une négociation au seul niveau de la branche, on peut se demander, en pratique, quel usage en feront réellement les partenaires sociaux.
4. Les principales sources
◊ article L 1242-8 du code du travail modifié par l’article 25 de l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017.
◊ article L 1242-8-1 du code du travail modifié par l’article 25 de l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017.
◊ article L 1243-13 du code du travail modifié par l’article 26 de l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017
◊ article L 1243-13-1 du code du travail modifié par l’article 26 de l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017
◊ article L 1244-3 du code du travail modifié par l’article 27 de l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017
◊ article L 1251-12 du code du travail modifié par l’article 27 de l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017
◊ article L 1251-12-1 du code du travail modifié par l’article 29de l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017
◊ article L 1251-35 du code du travail modifié par l’article 29 de l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017
◊ article L 1251-35-1 du code du travail modifié par l’article 29 de l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017
◊ article L 1251-36 du code du travail modifié par l’article 31 de l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017
◊ article L 1251-37 du code du travail modifié par l’article 31 de l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017
◊ article L1245-1 du code du travail modifié par l’article 4 de l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017
◊ article L 1251-40 du code du travail modifié par l’article 4 de l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017
◊ article L 1471-1 du code du travail modifié par l’article 6 de l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017
Stéphane JEGOU, avocat associé.