La distribution des réserves et du report à nouveau (RAN) en dehors des assemblée générales ordinaires annuelles (AGOA) fait l’objet de débats, notamment depuis que le Tribunal de commerce de Paris a jugé que les distributions de sommes prélevées sur les réserves et le RAN ne peuvent être décidées en dehors de l’AGOA (T. Com. Paris, 23 sept. 2022, n°J2021000542).
La Cour d’Appel de Paris a, dans son arrêt du 30 janvier 2025 (n°22/17478), infirmé ce jugement du Tribunal de commerce de Paris du 23 septembre 2022 et a jugé que toute assemblée générale peut, au contraire, librement distribuer les réserves et le report à nouveau dès lors que ces derniers ont été approuvés par une AGOA tenue antérieurement à la distribution.
Par un arrêt rendu le 12 février 2025 (Cass. com., 12 février 2025, n°23-11.410), la Cour de Cassation est venue apporter des précisions concernant uniquement la possibilité de distribuer le report à nouveau bénéficiaire en dehors de l’assemblée d’approbation des comptes.
La Cour de Cassation, en s’appuyant sur les articles L.232-11, alinéa 1er du Code de commerce qui indique que « le bénéfice distribuable est constitué par le bénéfice de l’exercice, diminué des pertes antérieures, ainsi que des sommes à porter en réserve en application de la loi ou des statuts, et augmenté du report bénéficiaire », et L.232-12, alinéa 1er du même code qui signale que « après approbation des comptes annuels et constatation de l’existence de sommes distribuables, l’assemblée générale détermine la part attribuée aux associés sous forme de dividendes », a en effet précisé que le report bénéficiaire d’un exercice est inclus dans le bénéfice distribuable de l’exercice suivant et que, par voie de conséquence, seule l’assemblée approuvant les comptes de cet exercice pourra décider son affectation et, le cas échéant, sa distribution.
En conséquence, la délibération d’une assemblée générale autre que celle approuvant les comptes de l’exercice et décidant la distribution d’un dividende prélevé sur le report à nouveau bénéficiaire d’un exercice précédent est irrégulière et encourt la nullité.
En résumé, la distribution du report à nouveau en dehors de l’AGOA est exclue, à l’exception d’une distribution sous forme d’acompte à valoir sur le futur dividende sur décision de l’organe de gestion de la société concernée et dans le respect des dispositions de l’article L. 232-12 alinéa 2 du Code de commerce.
En revanche, dans le silence de la loi, l’alinéa 2 de l’article L. 232-11 du Code de commerce indiquant seulement que “L’assemblée générale peut décider la mise en distribution de sommes prélevées sur les réserves dont elle a la disposition” et de la Cour de cassation, les réserves disponibles semblent pouvoir être distribuées à tout moment, y compris en dehors de l’AGOA, sous réserve d’une part, du respect des statuts (notamment des règles applicables dans le cadre d’un démembrement de titres), et d’autre part d’une position différente à venir de la Cour de Cassation sur ce point précis.
En tout état de cause, les distributions dites « exceptionnelles » (c.-à-d. en dehors de l’AGOA) doivent être effectuées en veillant strictement à respecter les dispositions du Code de commerce et la décision de la Cour de cassation.
Une vigilance accrue est donc de mise et un accompagnement juridique est fortement recommandé afin d’éviter tout risque de nullité des décisions de distributions hors AGOA.
Audrey Barribault – Thomas Bizet – Juristes du pôle droit des sociétés, Parthema Avocats
