Marie-Pierre L’Hopitalier, avocate associée, a coécrit un article avec Juliette Félix, Counsel, du cabinet HERALD*, publié dans la Revue des marques – n°109 – janvier 2020
L’intelligence artificielle offre aux marques une formidable opportunité de renforcer l’efficacité de leurs campagnes marketing. Réussir la personnalisation est un vrai challenge pour les marques et une attente des consommateurs. D’un point de vue juridique, les nouvelles pratiques ouvrent de nombreux débats.
Onze milliards de dollars ont été investis dans l’intelligence artificielle (IA) dédiée au marketing depuis 2014, dont un milliard pour le seul deuxième trimestre 2019. Laurent Alexandre parle de « CRM dopé à l’IA ». Comment définir et qualifier l’IA ? Quel impact peut-elle avoir sur l’appréciation des fonctions essentielles de la marque ? Comment protéger les investissements réalisés dans ce cadre ? Quelles dispositions le législateur envisage-t-il pour en réguler l’usage ?
La qualification de l’IA et de ses algorithmes
L’algorithme est une formule
mathématique qui définit une suite d’instructions en vue de produire un
résultat à partir de données ou d’éléments fournis en entrée. Combinés
au sein d’un programme informatique, les algorithmes croisent des
informations fournies en quantité massive, de sources diverses
(statistiques, comportements), et permettent de livrer des résultats
d’analyse et de recommandation. Les algorithmes sont aujourd’hui au
coeur de l’IA, en ce qu’ils peuvent être conçus pour que leur
comportement évolue en fonction des données qui leur sont fournies, et
sont capables d’une forme d’apprentissage automatique, voire profond
(deep learning). Les algorithmes de l’IA analysent « les petits indices »
qui se dégagent des données transactionnelles ou comportementales, mais
aussi les « gazouillis » et les « subtils bruissements » à propos des
marques qui circulent sur le Web, sur les réseaux et au sein des
communautés d’internautes. Ils permettent une analyse fine des
comportements des consommateurs et de leur réaction à une action de
communication, de promotion ou de marketing. L’IA demeure cependant un
outil et non un oracle divinatoire. La machine, pour apprendre et
restituer une recommandation utile, nécessite d’être « alimentée » par
des données fiables et pertinentes. L’efficacité du résultat obtenu et
de la recommandation issue de l’IA dépend tout autant de la performance
de la formule algorithmique que de la qualité et de la nature des
informations que cette formule a croisées. Une mise en oeuvre pertinente
du règlement général sur la protection des données (RGPD), en ce qu’il
impose la tenue de bases incluant des données pertinentes et non
obsolètes, constitue un prérequis. Au-delà
des problématiques liées à la fiabilité
des données collectées, les résultats de l’IA pourraient avoir un effet
pervers si les algorithmes analysaient en réalité les utilisations de la
marque qu’en font les concurrents.
L’impact de l’IA sur les fonctions essentielles de la marque
Au regard du développement de l’IA dans le marketing, le débat sur la fonction d’investissement de la marque pourrait renaître. On se souvient que la fonction d’investissement avait été réduite à peu de chose par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) dans son arrêt « Interflora ». […]
*Membre du réseau Etelio