La modification des modalités d’acquisition et de calcul de l’indemnité légale de licenciement
Dans la lignée de la loi d’habilitation, l’une des ordonnances « MACRON » du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail, n°2017-1387, et le décret d’application n°2017-1398 du 25 septembre 2017, ont modifié la condition d’ancienneté nécessaire pour ouvrir droit à l’indemnité légale de licenciement ainsi que ses modalités de calcul.
Qu’en est-il réellement ?
1. Ce qui change
- Un droit ouvert dès 8 mois d’ancienneté :
L’ancienneté dont doit justifier un salarié pour ouvrir droit à l’indemnité de licenciement est de 8 mois ininterrompus, contre 1 an ininterrompu auparavant.
Les conditions d’ancienneté plus restrictives (souvent à partir de 2 ans) conditionnant le droit à l’indemnité conventionnelle de rupture demeurent applicables.
- Une formule légale plus avantageuse pour les 10 premières années :
Désormais, l’indemnité de licenciement est égale à 1/4 du salaire brut mensuel du salarié par année d’ancienneté jusqu’à 10 ans d’ancienneté (contre 1/5ème auparavant).
Le montant de l’indemnité correspondant aux années d’ancienneté au-delà de 10 ans de présence dans l’entreprise est inchangé, soit 1/3 de mois de salaire par année d’ancienneté.
- Une précision apportée sur l’ancienneté exprimée en année(s) et en « mois complets » (article R. 1234-1 du code du travail), et sur le salaire de référence (les 3 ou 12 derniers mois selon ce qui est plus avantageux pour le salarié, la comparaison devant se faire en fonction de « la moyenne mensuelle des douze derniers mois précédant le licenciement, ou lorsque la durée de service du salarié est inférieure à douze mois, la moyenne mensuelle de la rémunération de l’ensemble des mois précédant le licenciement » article R. 1234-4 du code du travail, alinéa 2)
Sont concernées les indemnités de rupture consécutives à:
→ un licenciement quel qu’en soit le motif,
→ une rupture conventionnelle (il s’agit alors du montant minimum d’indemnité de rupture spécifique, sans préjudice de la possibilité de négocier un montant plus élevé),
→ une mise à la retraite,
→ un départ dans le cadre futur d’une adhésion à un dispositif collectif de rupture conventionnelle (l’accord instaurant un tel mécanisme devra fixer les modalités de calcul des indemnités de rupture qui ne pourront être inférieures aux indemnités légales),
→ un départ dans le cadre d’un congé de mobilité conventionnel, ouvert aujourd’hui aux entreprises d’au moins 1000 salariés, et, après parution du décret d’application, à celles occupant au moins 300 salariés (l’accord instaurant un tel mécanisme devra fixer les modalités de calcul des indemnités de rupture qui ne pourront être inférieures aux indemnités légales).
Rappelons que l’indemnité légale de licenciement bénéficie à tout salarié appartenant au secteur privé ou public (exception faite des fonctionnaires), quel que soit l’effectif de l’entreprise, sauf faute grave ou faute lourde. Il s’agit d’une indemnité minimale, versée à défaut de dispositions plus favorables de la convention collective, d’usages ou du contrat de travail.
Demeurent inchangés :
- les modalités de calcul de l’ancienneté,
- la date d’appréciation des droits du salarié à l’indemnité de licenciement (à la date d’envoi de la lettre de rupture selon la Chambre sociale de la Cour de cassation (Cass. soc. 11-1-2007 n° 04-45.250),
- le principe de faveur, tel que rappelé ci-dessus.
2. La date d’effet
◊ La nouvelle condition d’ancienneté s’applique aux licenciements et aux mises à la retraite prononcés d’une part, et aux ruptures conventionnelles conclues d’autre part, depuis le 24 septembre 2017.
◊ Le nouveau calcul de l’indemnité légale de licenciement s’applique, quant à lui, aux licenciements et aux mises à la retraite prononcés d’une part, et aux ruptures conventionnelles conclues d’autre part, postérieurement à la publication du décret n°2017-1398, c’est à dire à compter du 27 septembre 2017.
En pratique, c’est la date d’envoi de la lettre de licenciement ou de la mise à la retraite qui est déterminante ; selon la DGT, la notion de rupture « conclue » renvoie à la date de signature du formulaire de rupture conventionnelle.
3. Questions pratiques
◊ Exemple pratique : un salarié cumulant 10 ans d’ancienneté dans l’entreprise et percevant une rémunération mensuelle de 2.000 € se voit accorder une indemnité égale à 5.000 € (2000 * 10 ans * 1/4) contre 4.000 € (2.000 * 10 ans *1/5) auparavant.
Le régime social et fiscal – et notamment l’exonération de CSG/CRDS à hauteur de l’indemnité légale – reste lié à l’indemnité légale minimale ainsi réévaluée.
L’appréciation de la carence spécifique différant la date de versement des allocations chômage pour les indemnités versées à l’occasion de la rupture est, elle-aussi, liée à cette indemnité légale et se trouve dès lors impactée à due concurrence de cette formule améliorée.
◊ La question de l’application de la nouvelle formule légale peut se poser pour des ruptures conventionnelles qui auraient été signées avant la parution du décret mais n’auraient pas encore été homologuées ou n’aurait pas pris effet, dont le montant d’indemnité spécifique convenue serait, à la date de sortie, devenu inférieur à celui résultant de la nouvelle formule légale.En principe, elles ne sont pas concernées par le nouveau mode de calcul.
Il sera, cependant, rappelé que selon la position administrative, l’employeur doit réévaluer à la hausse l’indemnité de rupture au moment de la sortie des effectifs si les rémunérations perçues depuis la signature du formulaire de rupture impactent à la hausse la base de calcul de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle (Circ. DGT 2009-5 du 17-3-2009 n° 5.2). S’il ne le fait pas, ou s’il s’avère que le salarié a touché une indemnité inférieure à l’indemnité minimale de l’article L.1234-9, la rupture demeure valable – en l’état de la jurisprudence – mais le salarié peut obtenir la condamnation de l’employeur à lui verser un complément d’indemnité.
Dans la continuité de cette position administrative et judiciaire, il est conseillé, pour éviter tout litige, de procéder à cette vérification lors du solde de compte, et, de réévaluer, le cas échéant, le montant de l’indemnité accordée pour tenir compte de la réforme.
◊ Le salarié licencié pour inaptitude physique à la suite d’une maladie ou d’un accident professionnels a droit à une indemnité spéciale de licenciement égale au double de l’indemnité légale minimale de licenciement « prévue par l’article L. 1234-9« . (C. trav. art. L 1226-14). Ces salariés vont bénéficier de l’indemnité légale doublée ainsi réévaluée.
La Cour de cassation considère que le droit à cette indemnité spéciale de licenciement est ouvert « sans condition de durée d’emploi » (Cass. soc. 25-5-1994 n° 91-40.442 D) ; on peut donc penser que cette jurisprudence constante continuera à s’appliquer, indépendamment de l’abaissement à 8 mois d’ancienneté.
◊ Par ailleurs, selon l’administration, la rupture conventionnelle ne peut être homologuée (ou autorisée en présence d’un salarié protégé) que si une indemnité spécifique de rupture a été convenue, et ce, sans aucune condition minimale d’ancienneté ; par suite, le salarié qui conclut une rupture conventionnelle homologuée avec son employeur pouvait prétendre a minima, s’il a moins d’un an d’ancienneté, à une indemnité calculée au prorata du nombre de mois de présence (Circ. DGT 2009-4 du 17-3-2009). L’abaissement de la condition légale d’ancienneté à 8 mois pour l’indemnité de licenciement ne devrait pas, à notre sens, remettre en cause cette doctrine, favorable aux salariés.
4. Les principales sources
◊ Article L 1234-9 du code du travail modifié par l’article 39 de l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017
(pour comparaison, voir l’ancienne rédaction de l’article L 1234-9 du code du travail)
◊ Article R. 1234-1, R. 1234-2 et R. 1234-4 du code du travail, issus du Décret n°2017-1398 du 25 septembre 2017
Nicolas LATOURNERIE, avocat associé
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